|
Voyage d'hiver (Franz Schubert)
Voyage d'hiver (Franz Schubert), cycle de lieder de Schubert.
En février 1827, quatre ans après Die Schöne Müllerin (la Belle Meunière), Schubert rencontre à nouveau la poésie de Wilhelm Müller, sous la forme d'un cahier de douze poèmes portant le titre Die Winterreise, qu'il met très vite en musique. Retrouvant plus tard les mêmes textes dans un recueil qui en comporte vingt-quatre, il complète rapidement son premier travail, achevant en octobre le cycle, qui comprend donc deux parties (1-12 et 13-24).
Die Schöne Müllerin présentait des personnages, une action, une progression de l'espoir amoureux vers le désespoir. Avec le Voyage d'hiver, on est plongé d'emblée dans le désespoir, et ce voyage sans événement, presque sans mouvement, à l'image d'une nature figée, est avant tout intérieur, spirale au sein d'un unique état d'âme. Dominée par les tonalités mineures (16 lieder sur 24), l'écriture s'est radicalement éloignée de la veine simple et mélodique, d'allure populaire, encore très présente dans le cycle précédent. Le strophisme est maintenant l'exception, et l'imitation se fait très rare.
Une évolution, cependant, mérite d'être soulignée à l'intérieur du cycle. Jusqu'au n° 13 (Die Post), le souvenir de la bien-aimée infidèle reste obsédant, à travers les rêves et souvenirs que traduisent des bouffées, souvent ironiques, de tonalités majeures. Il s'estompe ensuite, ouvrant la voie au renoncement, audible dans le dépouillement croissant de l'écriture musicale, jusqu'à l'étape ultime de la rencontre avec la seule présence humaine de ce cycle de la solitude : le joueur de vielle (Der Leiermann), figure désabusée du poète-musicien.
Exigeant pour l'auditeur comme pour les interprètes, ce cycle écrit pour ténor (la voix de Schubert) a surtout été illustré par des voix graves, plus immédiatement aptes à en traduire le sombre climat. Dans le dernier demi-siècle, mémorables sont l'impact émotionnel du timbre de Hans Hotter, la rigueur musicale et l'incroyable palette expressive de Dietrich Fischer-Dieskau, et, parmi les femmes qui l'ont osé, la bouleversante maturité de Christa Ludwig ou le chant écorché-vif, étrange mais passionnant, de Brigitte Fassbaender.
Recherche réalisée par Jérôme Buire
| |